Après plus d'un an, voilà le retour des bilans du mois ! Bon, j'avoue que celui-ci n'aura rien à voir avec ceux des années passées puisqu'il sera BEAUCOUP plus court puisque j'ai lu seulement 9 livres ce mois-ci. Pour autant, il ne manque pas de très bonnes découvertes !
Aujourd'hui, je mets les pieds dans le plat en vous parlant d'un livre qui a rencontré un succès assez important sur le Booktok anglophone. J'avais déjà lu La Guerre du pavot de la même autrice dans un tout autre style et j'étais très curieuse de découvrir celui-ci.
C'est une histoire magistrale... racontée par la mauvaise personne. June Hayward et Athena Liu ont étudié ensemble à Yale, ont déménagé à Washington après avoir obtenu leur diplôme et sont toutes les deux écrivaines, mais les similitudes s'arrêtent là. Athena est une étoile montante de la littérature, et June n'est personne. Après tout, qui s'intéresse de nos jours aux histoires d'une fille blanche aussi banale qu'elle. Lorsqu'elle assiste à la mort d'Athena dans un accident invraisemblable, June agit donc sans réfléchir et vole le manuscrit que son amie et rivale vient de terminer – un roman sur les contributions méconnues du corps des travailleurs chinois pendant la Première Guerre mondiale. Et si June corrigeait le récit et l'envoyait à son agent comme s'il s'agissait de son propre travail ? Et si elle adoptait le nom de Juniper Song et jouait sur l'ambiguïté de son origine ethnique ? Quelle qu'en soit l'autrice, ce morceau d'histoire ne mérite-t-il pas d'être raconté ? Mais June ne peut échapper à l'ombre d'Athena, et des révélations menacent de faire s'écrouler son succès volé. Jusqu'où sera-t-elle prête à aller pour protéger son secret ?
Sans mentir, j'avais des attentes assez élevées vis-à-vis de ce roman. Celui-ci promettait d'aborder des thématiques ambitieuses et actuelles telles que l'appropriation culturelle (en l'occurrence : est-ce qu'une autrice blanche peut écrire un livre sur des personnes asiatiques ?), les coulisses du monde l'édition ou encore le cyberharcèlement. J'avais un peu peur que le roman tombe dans le manichéisme ou se perde dans tous ces sujets mais finalement, j'ai trouvé que l'autrice abordait ces différents sujets d'une manière nuancée et que cela s'intégrait bien à la trame narrative (du moins, dans la première partie du livre). On est vraiment dans une pure satire du monde littéraire, entre plagiat, visée capitaliste des éditeurs ou cancel culture qui s'avère aussi réaliste que jubilatoire. Si vous êtes très avides de dramas, comme moi, vous allez adorer !
Outre les thèmes abordés, l'autre aspect original de ce roman est sa narration puisqu'il est raconté du point de vue de la "mauvaise personne", June, celle qui est jalouse le succès de son amie Athéna et qui vole son manuscrit pour se l'approprier. Celle-ci entre parfaitement du stéréotype de la Karen, de la femme blanche qui passe son temps à se dédouaner et à refuser de reconnaître le racisme qu'elle a intériorisé. J'ai adoré détester ce personnage qui n'est d'ailleurs pas épargné au fil de l'histoire ; tellement qu'on finit par ressentir un peu de compassion pour elle tant elle s'est empêtrée profondément dans son mensonge.
Ce qui fait toute la complexité du roman, c'est que comme elle est décrite également à travers les yeux de June, Athéna ne paraît pas plus attachante non plus. On a l'impression d'avoir affaire une autrice privilégiée et narcissique qui ne pense qu'à elle tout en sachant qu'on n'aura jamais accès à la "vraie" Athéna, mais seulement à la manière dont June la percevait.
Néanmoins, je ne pourrais pas dire que ce livre est un coup de coeur, car la deuxième partie est extrêmement décevante. L'intrigue prend une tournure assez différente, qui flirte avec le thriller psychologique, ce qui ne m'a pas vraiment convaincue. Si le roman se transforme rapidement en page-turner, l'histoire devient aussi très superficielle. On sent que l'autrice cherche à maintenir l'aspect satire/réflexion, mais n'y parvient pas : on a droit à beaucoup de répétitions.
Avertissement : racisme, pensées suicidaires, mort
Pour conclure, je n'ai pas passé un mauvais moment de lecture avec ce roman. La plume de l'autrice est particulièrement fluide et l'aspect satirique a un côté jubilatoire qui rend le livre très addictif. Cependant, la manière dont l'intrigue évolue fait que le roman perd beaucoup en complexité et en originalité.
Ma note : ★★★☆☆
Références : Yellowface de Rebecca F. Kuang | De Saxus | 500 pages